14/04/2009

La crise alimentaire, oubliée du G20

15 avril 2009

En ce début de printemps, les seuls marchés internationaux à ne pas souffrir du marasme économique ambiant sont ceux des produits agricoles. Alors que le pétrole hésite au seuil des 50 dollars le baril, que les métaux frémissent à peine, que des produits aussi divers que l'acier ou le caoutchouc stagnent à des niveaux de prix qui sont à peine le tiers de ceux de 2008, les marchés agricoles racontent une tout autre histoire.

Il y a un an, le monde découvrait des images d'émeutes de la faim provoquées par la flambée des prix agricoles mondiaux. Les tensions sur les marchés du blé, du riz, du maïs, faisaient la " une " des journaux, et le monde, réuni en juin 2008 à Rome par l'Organisation des Nations unies pour l'alimentation et l'agriculture (FAO), s'inquiétait du devenir alimentaire de la planète. Depuis, il y a eu l'exceptionnelle récolte 2008-2009, avec 2,2 milliards de tonnes de céréales, une hausse de plus de 5 %. Et les prix mondiaux ont perdu la moitié de leur valeur en quelques mois, si on fait référence aux niveaux les plus extrêmes atteints en 2008. Mais si l'on y regarde de plus près, cette chute des prix agricoles a été la plus faible de tous les marchés de matières premières, la plus logique aussi si l'on s'en tient aux fondamentaux de l'offre et de la demande. Mais la crise est passée par là ; d'autres soucis sont venus au premier plan. L'agriculture ne fait plus la " une " et lorsque, en janvier, une nouvelle conférence s'est tenue à Madrid, elle n'a guère suscité d'intérêt.

Pourtant, il a suffi de quelques petits accidents pour que les marchés agricoles rebondissent à nouveau : une sécheresse en Amérique du Sud, surtout en Argentine, a provoqué une baisse des productions de soja et de maïs ; la détermination du président Obama de développer un peu plus l'absurde programme éthanol américain - il consomme désormais plus du tiers du maïs local ; l'annonce d'une nette baisse (- 2,8 %) des emblavements aux Etats-Unis ; des prévisions de recul de la production mondiale de grains en 2009-2010 en situation climatologique correcte (on parle de 3 % à 4 % de baisse), mais qui sait s'il pleuvra cet été sur les grandes plaines américaines ? Le résultat est que les prix des grains se tendent à nouveau, notamment ceux du maïs et du soja, et que le spectre des pénuries alimentaires ressurgit, atteignant aussi, cette fois, les pays bénéficiaires de la rente pétrolière, qui auront, en 2009, moins de moyens de les pallier qu'ils n'en avaient en 2008.

En un an, rien n'a donc vraiment changé. Les promesses de Rome n'ont pas été tenues. Au G20, à Londres, on a parlé un peu de développement, mais pas du tout de politiques agricoles. La crise économique nous aurait-elle rendus autistes ? La FAO réclame 30 milliards de dollars (23 milliards d'euros) destinés à être investis dans l'agriculture. Mais son inefficacité passée fait de cette institution onusienne une partie du problème plutôt que sa solution. A tout prendre, l'Organisation mondiale du commerce (OMC) est plus réaliste lorsqu'elle autorise les pays en développement à mettre en place les barrières nécessaires pour protéger leurs politiques agricoles. Mais encore faut-il pouvoir les financer, et ce n'est manifestement pas dans les priorités d'une planète très occupée à éteindre les incendies allumés par des banquiers pyromanes.

Alors, les prix agricoles remontent ; des déficits alimentaires réapparaissent ; un milliard d'hommes mangent mal ; rien ne bouge. Il est vrai que, du point de vue macroéconomique, la baisse des immatriculations d'automobiles est autrement plus importante...

Philippe Chalmin

université Paris-Dauphine

© Le Monde

Les terres agricoles, de plus en plus convoitées

15 avril 2009


Sécurité alimentaire : Pour assurer leur approvisionnement, des Etats investissent hors de leur territoire

Cet article est le premier d'une série sur la ruée vers les terres arables, qui

a amené Le Monde à enquêter au Mali, aux Maldives, en Arabie saoudite et au Kazakhstan.

Pas un jour sans que de nouveaux hectares ne soient cédés. Les petites annonces de terres agricoles à vendre passent maintenant dans la presse financière internationale. Et les clients ne manquent pas. " Fin 2008, constate Jean-Yves Carfantan, auteur du Choc alimentaire mondial, ce qui nous attend demain (Albin Michel, 2009), cinq pays se distinguaient par l'importance de leurs acquisitions de terres arables à l'étranger : la Chine, la Corée du Sud, les Emirats arabes unis, le Japon et l'Arabie saoudite. Ensemble, ils disposent aujourd'hui de plus de 7,6 millions d'hectares à cultiver hors territoire national, soit l'équivalent de 5,6 fois la surface agricole utile de la Belgique. " Le phénomène d'accaparement des terres n'est certes pas nouveau, remontant aux premières colonisations. Mais, de l'avis de nombreux observateurs, économistes et ONG, il s'accélère.

La flambée des cours des matières agricoles de 2007 et 2008, à l'instar de ce qui s'était passé lors de celle des années 1970, a décidé beaucoup d'investisseurs privés à se tourner vers le foncier. La chute des prix ne les a pas fait fuir. Comme le note Grain - une ONG internationale qui cherche à promouvoir la biodiversité agricole -, dans un rapport publié en octobre 2008 et intitulé " Main basse sur les terres agricoles ", " avec la débâcle financière actuelle, toutes sortes d'acteurs de la finance et de l'agroalimentaire - fonds de retraite, fonds spéculatifs, etc. - ont abandonné les marchés dérivés, et considèrent que les terres agricoles sont devenues un nouvel actif stratégique ".

Ils ne sont pas les seuls. De nombreux Etats font la même analyse, pas pour trouver des sources de plus-values, mais pour des raisons de sécurité alimentaire. " Le but est clairement de parer aux conséquences d'une stagnation de leur production intérieure provoquée, entre autres, par une urbanisation galopante et la diminution des ressources en eau ", explique M. Carfantan. Les terres arables se font de plus en plus rares au Proche-Orient, par exemple. Les monarchies pétrolières investissent donc depuis trois ans dans la création d'annexes extraterritoriales. Le Qatar dispose de terres en Indonésie ; Bahreïn aux Philippines ; le Koweït en Birmanie, etc.

" DÉLOCALISATION AGRICOLE "

Rien d'étonnant à ce que le gouvernement chinois ait, de son côté, fait de la politique d'acquisition de terres agricoles à l'étranger l'une de ses priorités : le pays représente 40 % de la population active agricole mondiale mais ne possède que 9 % des terres arables du globe, rappelle M. Carfantan. Quant au Japon et à la Corée du Sud, ils importent déjà 60 % de leur alimentation de l'étranger.

La prospection des responsables politiques des pays du Sud s'intensifie. Fin 2008, Mouammar Kadhafi, le chef de l'Etat libyen, est venu en Ukraine pour proposer d'échanger du pétrole et du gaz contre des terres fertiles (en location). L'affaire serait en passe d'être conclue. Jeudi 16 avril, c'est une délégation jordanienne qui se rendra au Soudan pour renforcer un peu plus sa présence agricole initiée depuis dix ans déjà. Mais le mouvement concerne aussi l'Europe. Selon l'hebdomadaire La France agricole, 15 % de la surface totale de la Roumanie, soit plus de 15 millions d'hectares, seraient entre les mains de propriétaires originaires d'autres pays européens.

Cette stratégie de " délocalisation agricole " n'est pas sans conséquences. Quid des populations locales directement menacées par cette marchandisation de la terre dont elles vivent ? La planète compte aujourd'hui 2,8 milliards de paysans (sur une population totale de 6,7 milliards d'habitants) et les trois quarts des gens qui ont faim habitent dans les campagnes. Les cadastres sont souvent inexistants. Comment se fait et se fera l'indemnisation de ceux qui exploitent et vivent de la terre s'ils n'ont pas de titres de propriété ?

" Les organisations de producteurs nous alertent de plus en plus sur la question de la concentration du foncier et sur les conflits entre les petits paysans et l'agrobusiness qui exploite pour exporter ", explique Benjamin Peyrot des Gachons, de l'ONG Peuples solidaires qui a choisi d'organiser un Forum international sur l'accès à la terre (à Montreuil, les 18 et 19 avril) pour célébrer la Journée mondiale des luttes paysannes du 17 avril. Des agriculteurs d'Inde, d'Equateur, du Brésil, du Burkina Faso et des Philippines viendront témoigner.

L'ONG milite pour le développement du droit d'usage - les terres restant à l'Etat -, et non pour celui du droit de propriété, qui a la faveur de la Banque mondiale. Si l'attribution de titres de propriété peut permettre de faire coexister agriculture familiale et présence d'investisseurs étrangers, Peuples solidaires " estime que les paysans n'auront pas les moyens d'acquérir des terres ". Et même si on leur en attribue, " ils seront vite contraints à vendre en cas de difficultés ". Selon l'ONG, le droit de propriété privilégierait donc les gros exploitants, étrangers ou non.

Autre difficulté provoquée par cette course aux terres arables : la cohabitation entre pays investisseurs et la population locale. " Regardez ce qui s'est passé à Madagascar après l'annonce de la location de 1,3 million d'hectares au groupe sud-coréen Daewoo, reprend M. Carfantan. Ce fut l'explosion. Je crois que les tensions seront inévitables où que ce soit, faisant des enclaves agricoles étrangères de véritables forteresses assiégées. " A moins, analyse-t-il, que partage des récoltes et transfert de technologies soient organisés, afin de tabler sur le long terme.

Marie-Béatrice Baudet et Laetitia Clavreul

Prochain volet :

le Mali

© Le Monde

11/04/2009

STOCKAGE • La Suisse, future batterie de l’Europe

Les futurs enjeux de l’énergie ne se limiteront pas au choix des filières de production, ni même aux seuls aspects environnementaux, loin s’en faut. Le stockage prend une importance croissante. Les producteurs d’électricité éolienne et solaire (photovoltaïque) savent que leur succès à long terme dépendra des possibilités de stocker une partie de l’énergie produite pour la réinjecter dans les réseaux en cas d’absence de vent ou d’ensoleillement. Dans ces conditions, les grands barrages suisses deviendront la clé de voûte stratégique des réseaux électriques, au fur et à mesure que la part des énergies vertes augmentera. Ils seront en quelque sorte les batteries des réseaux, le “back up” du système, rôle qu’ils assurent déjà en cas de consommation de pointe ou, plus simplement, pour prendre le relais des centrales nucléaires françaises en cas de panne.

Mais cette forme de réassurance hydroélectrique a des limites physiques : la capacité de transport de l’énergie électrique sur de grandes distances est limitée car les pertes augmentent fortement avec la longueur à parcourir. A tel point que certains experts préconisent un changement radical des paramètres techniques des réseaux. Actuellement, le courant électrique est distribué en mode alternatif afin de minimiser les pertes sur les courtes distances. Ce standard fut décidé à la fin du XIXe siècle, contre la volonté de Thomas Edison, partisan du courant continu… qui l’aurait avantagé comme entrepreneur. Ce fut l’une des plus célèbres bagarres qui op­posa le génial inventeur à un industriel qui deviendra lui aussi célèbre : George Westinghouse. Or, sur de très longues distances, il serait préférable d’utiliser le courant continu prôné par Thomas Edison.

Selon les évaluations réalisées par le professeur Jürgen Schmid, directeur du laboratoire des énergies renouvelable de l’université de Kassel [Allemagne], un réseau à très haute tension en courant continu permettrait de relier sans problème les éoliennes du nord et du sud de l’Europe, tout en connectant le réseau aux barrages nordiques et suisses. Les pertes de connexion sur longue distance deviendraient ainsi supportables, à tel point que le professeur Jürgen Schmid estime que les parcs éoliens pourraient à eux seuls fournir 30 % de l’énergie électrique européenne. Ce changement normatif, qui n’irait évidemment pas sans de colossaux investissements, ouvrirait la voie à des centrales solaires implantées dans le désert du Sahara. Le manque de vent et de soleil au nord de l’Europe pourrait être compensé par les centrales éoliennes ou solaires du sud, et vice versa.

Pierre Veya
Le Temps

09/04/2009

La taxe carbone aux frontières refait surface


9 avril 2009

Le débat reste vif sur le meilleur moyen de contraindre les industriels à réduire leurs émissions de CO2

Soupçonnée d'être un instrument déguisé de protectionnisme, la taxe carbone aux frontières, proposée par la France en 2008, avait discrètement disparu du débat, faute de recueillir une large adhésion au sein de l'Union européenne. Elle vient de faire une réapparition remarquée de l'autre côté de l'Atlantique où le secrétaire d'Etat à l'énergie, Steven Chu, n'exclut pas d'y recourir " contre ceux qui ne prennent pas d'engagements pour réduire leurs émissions " de CO2, le principal gaz responsable du réchauffement climatique.

Une proposition de loi déposée le 31 mars au Congrès par le démocrate Henry Waxman envisage également un " instrument d'ajustement aux frontières ", dont l'objectif serait de faire payer aux industriels le contenu en carbone des produits qu'ils importent aux Etats-Unis. La Chine a aussitôt réagi à ce qu'elle considère comme une mesure injuste et susceptible d'être dénoncée devant l'Organisation mondiale du commerce comme une entrave au libre-échange.

Il n'empêche : cette idée longtemps taboue plane désormais sur la négociation internationale sur le climat, qui doit aboutir en décembre à Copenhague. Avec la crise économique, la lutte contre le " dumping environnemental " reprend de la vigueur, même si les pays industrialisés du Nord portent la responsabilité historique du changement climatique, et admettent qu'il ne peut être demandé aux pays émergents un effort comparable aux leurs.

" La taxe carbone aux frontières reste une option ", a rappelé récemment le ministre français de l'écologie, Jean-Louis Borloo. Le paquet climat-énergie adopté en décembre par les Vingt-Sept prévoit que, en l'absence d'un accord à Copenhague, cette option soit étudiée.

Pour atteindre leurs objectifs de réduction d'émissions de CO2, les quelques pays ayant pris des engagements se sont dotés d'instruments économiques contraignants. " Sans dispositif qui fasse pression sur les opérateurs économiques, il est illusoire d'imaginer changer les comportements ", souligne Dominique Auverlot, du Centre d'analyse stratégique, rattaché à Matignon.

Outre le durcissement de la réglementation, il existe deux mécanismes pour faire baisser les émissions : une taxe intérieure sur les activités émettrices de CO2 ou un marché d'échanges de droits à polluer. Sur le papier, ce dernier mécanisme est simple : le montant des quotas alloués s'ajuste sur le volume des émissions souhaitées.

L'Europe s'est engagée dans cette voie en créant, en 2005, un système d'échanges de permis d'émissions qui, de totalement gratuit, deviendra en partie payant à partir de 2013 à travers un système d'enchères. Ce marché couvre la moitié environ des émissions de l'Union. Aux Etats-Unis, le président Barack Obama s'est également prononcé pour cette option.

Le débat est pourtant loin d'être clos. Les Prix Nobel d'économie Joseph Stiglitz et Paul Krugman militent pour une taxe carbone intérieure. C'est aussi le cas du climatologue James Hansen, pour qui le marché est " inefficace et donne prise aux lobbies industriels pour négocier des dérogations en leur faveur ". " Le problème du marché est, en plus, qu'il faut des années pour le négocier, alors que nous n'avons pas le temps : il faut de toute urgence inverser la courbe des émissions ", explique-t-il.

En France, la Fondation Nicolas Hulot, qui vient de lancer une consultation populaire en faveur d'une taxe baptisée " contribution climat-énergie ", plaide pour un impôt progressif sur l'ensemble des consommations en énergie en fonction de leur contenu en carbone. Ce qui permettrait, notamment, d'inclure les transports. Pour ne pas alourdir la pression fiscale, cet impôt serait compensé par une baisse de la fiscalité sur le travail.

Qui a raison ? " Il ne faut pas opposer les instruments, l'un et l'autre peuvent être complémentaires ", explique Benoît Leguet, de la Mission climat de la Caisse des dépôts et consignations. Le protocole de Kyoto, s'il prévoit des échanges de quotas entre pays, laisse chacun totalement libre sur les moyens d'atteindre ses objectifs.

L'effondrement du prix de la tonne de carbone - passé de 30 à 10 euros en quelques mois - a cependant fragilisé les partisans du marché. A ce prix-là, quelle incitation peuvent avoir les industriels pour produire plus " propre " ?

Quoi qu'il en soit, les deux solutions - taxe ou marché - laissent pour l'instant entier le problème de perte de compétitivité posé par les industriels du ciment, de l'acier ou de l'aluminium, exposés à la concurrence des grands pays émergents. Sauf à aménager les contraintes, comme a promis de le faire l'Union européenne pour soulager ces secteurs. Mais au détriment de la lutte contre le réchauffement.

Laurence Caramel

© Le Monde

A Bonn, les discussions sur le climat s'enlisent
La Conférence des Nations unies sur le changement climatique qui se tient, depuis le 29 mars, à Bonn (Allemagne) devait s'achever mercredi 8 avril. On a pu y constater un enlisement des discussions. La position de l'administration de Barack Obama, qui manifeste la volonté des Etats-Unis de participer pleinement à la lutte contre le changement climatique, est apparue assez imprécise sur un certain nombre de points. L'idée d'un " registre " dans lequel les pays du Sud inscriraient les actions qu'ils sont prêts à entreprendre et les besoins de financement qui leur sont nécessaires a cependant progressé.

Les diplomates se retrouveront à Bonn début juin. Les réunions vont se multiplier durant toute l'année, dans l'espoir de parvenir à un accord au sommet de Copenhague, en décembre.

06/04/2009

Burkina-Mali : excision sans frontières


La pratique, interdite au Burkina Faso, s’exporte au Mali au sein de la communauté burkinabé
Au Burkina Faso, l’application de la loi contre l’excision a confiné la pratique à la transfrontalité. Profitant du vide juridique entourant cette pratique au Mali, des parents s’en vont exciser leurs filles dans ce pays, sous le regard impuissant des acteurs de la lutte.
Koro, porte d’entrée au pays dogon, à l’Est du Mali, par la frontière burkinabè. Cette petite ville sahélienne attire de nombreux touristes occidentaux. Son marché, à la renommée bien établie, draine, chaque samedi, des commerçants et clients venus des pays voisins. Il n’y a pas que des touristes et des marchands qui accourent à Koro. Depuis quelques années déjà, la ville tient lieu de forum shopping, à de nombreux burkinabè, venus faire exciser leurs filles. « Au Burkina Faso, affirme le Dr Nestorine Sangaré, directrice exécutive d’un centre de recherche sur le genre et le développement, la loi contre l’excision a confiné la pratique dans la clandestinité dont la transfrontalité est l’une des formes émergentes. » Les populations feignant d’avoir abandonné la pratique, ont trouvé une nouvelle trouvaille en vue de la perpétuer. Contourner la loi en amenant exciser leurs fillettes à l’étranger est devenu le nouveau stratagème.
Le Mali est leur destination favorite. Là, aucune loi n’interdit la pratique qui, du reste, est perçue favorablement dans l’opinion publique. « On nous l’interdit ici. Ce n’est pas le cas à Koro, pourquoi je n’y irai pas », se satisfait sans gène, Mariam [nom d’emprunt], venue de Ouahigouya, ville burkinabè frontalière à Koro.
Pratique soutenue par la communauté burkinabè
Pour l’heure, aucune donnée statistique ne permet de mesurer l’ampleur du phénomène. Mais les témoignages s’y rapportant sont édifiants. « Un des chefs de villages avec lequel nous menons le combat contre l’excision, m’a dit un jour que si nous voulions réussir notre combat, il nous fallait poster des agents de sécurité et de santé à la frontière avec le Mali, tant les populations y allaient en masse pour exciser leurs filles », atteste Fati Ouédraogo, chargée d’un projet de lutte contre l’excision à Ouahigouya, dans la région Nord du Burkina, frontalière du Mali.
La pratique est soutenue et organisée par une communauté burkinabè bien implantée à Koro. Craignant des dénonciations anonymes, Mariam a prétexté une visite à sa sœur aînée, mariée à koro. Elle y a été rejointe plus tard, par l’exciseuse. Après l’opération, cette dernière s’en est retournée au Burkina dans l’insouciance la plus totale. A charge maintenant pour Mariam et les siens de s’occuper des pansements. D’autres par contre, explique Fati Ouédraogo, déplacent simultanément les victimes et l’exciseuse. Par petits groupes, à dos d’âne, à moto ou à vélo, les fillettes sont convoyées à Koro, décrit Fati Ouédraogo.
« Chaque fois que nous communiquons à nos collègues maliens des cas d’excision, ils n’agissent pas »
Contre l’excision transfrontalière, aucune action n’a été entamée. Les acteurs de la lutte assistent impuissants au spectacle, faute de moyens et surtout par manque de légitimité. « Cette boucherie silencieuse m’écœure. Mais, je n’ai pas les moyens de l’empêcher », se désole la septuagénaire Aminata Magassa, responsable de l’association féminine " Kafo" de Koro. N’ayant pas une convergence de vue sur la pratique de l’excision, la coopération policière entre les forces de sécurité des deux pays est inefficace. « Chaque fois que nous communiquons à nos collègues maliens des cas d’excision, ils n’agissent pas », regrette Kpinh Dah, commandant de brigade de la gendarmerie territorial de Thiou.
Une conférence tenue, en septembre 2008, a regroupé les épouses des chefs d’Etat de la sous-region ouest africaine. La première dame du Mali, Lobo Touré, ne s’y était pas rendue. Au cours de cette rencontre, le Mali avait été critiqué pour ne pas avoir légiféré sur l’excision et avait été invité à le faire. Mais face aux groupes de pression et aux lobbies islamiques, cette loi risque de ne jamais voir le jour. Du moins, pas de sitôt.

Afrique : la question épineuse de l’aide


Dambisa Moyo bouscule les idées reçues dans son livre : "Dead Aid"

Dans Dead Aid (L’Aide est morte), son nouvel ouvrage controversé, l’économiste Dambisa Moyo soutient que la suspension, dans un délai de cinq ans, de toute aide accordée à l’Afrique, hors aide d’urgence, « permettrait de stimuler la croissance » du continent.

Dans certains pays comme la Zambie, pays d’origine de l’auteur, une telle prescription pourrait toutefois s’avérer problématique, compte tenu de la crise financière mondiale.

Pays à revenu intermédiaire dans les années 1970, la Zambie figure systématiquement parmi les 20 derniers pays à l’Indice de développement humain du Programme des Nations Unies pour le développement depuis 1990. Le pays a pourtant reçu plus de 10 milliards de dollars d’aide au développement entre 1990 et 2005, soit l’équivalent de 23 pour cent de son PIB sur la même période.

Ce sont des statistiques de ce type qui ont conduit Mme Moyo, ancienne consultante auprès de la Banque mondiale et analyste des marchés des titres d’emprunt chez Goldman Sachs, à écrire ‘Dead aid : Why Aid Is Not Working and How There Is a Better Way for Africa’.

« J’ai grandi en Zambie, puis je suis partie à l’étranger et j’ai vu que le monde semblait avancer et se développer très rapidement ; pourtant, chaque fois que je rentrais au pays, année après année, la situation avait empiré. Pour moi, c’était une reconnaissance continuelle du fait que l’aide ne donnait tout simplement pas de résultat ».

Un problème ou une solution ?

Selon Mme Moyo, les aides bilatérales et multilatérales, loin d’apporter une solution, font au contraire partie du problème. « Les deux objectifs de l’aide sont, d’une part, de stimuler une augmentation de la croissance, et d’autre part, de réduire la pauvreté. Pourtant, ce qui se passe, c’est qu’en dépit des millions de dollars d’aide accordés à l’Afrique ces 60 dernières années, on observe une diminution de la croissance et une augmentation de la pauvreté », a-t-elle déclaré à IRIN.

« En gros, le problème est le suivant : les gouvernements africains reçoivent de l’aide parce qu’ils (les bailleurs) s’inquiètent du degré de pauvreté constaté dans ces pays. Mais cette aide tend à engendrer énormément de corruption, elle crée une bureaucratie importante, elle étouffe l’entreprenariat, et elle prive les électeurs de leur droit de vote dans ces pays ».

Mme Moyo n’est pas la première à critiquer le manque d’efficacité des programmes d’aide en Afrique ; de plus en plus de bailleurs entreprennent des études pour déterminer leur mérite véritable. Ainsi, en 2007, l’Agence norvégienne d’aide au développement (NORAD) a publié une étude de ce type, intitulée « L’Aide norvégienne est efficace… mais pas assez ».

L’aide accordée par la Norvège

« L’aide norvégienne représente trois pour cent de l’aide globale accordée à la Zambie, ce qui équivalait à 0,8 pour cent du PIB zambien en 2005. Notre rapport a démontré que l’aide était plus efficace lorsqu’elle était allouée au soutien technique. Le dialogue entre la NORAD et la Zambie est donc devenu moins politique et plus technique », a indiqué à IRIN Ase Seim, qui a dirigé la rédaction du rapport à la NORAD. Un rapport de suivi doit paraître en 2009.

Entre autres exemples de programmes techniques : l’informatisation du Bureau du Commissaire général aux comptes, en Zambie ; dans le cadre de ce programme, le Bureau a reçu 1,6 million de dollars entre 1997 et 2008, ainsi qu’une aide à la restructuration et à la formation de ses employés. Grâce à cela, les activités du gouvernement font désormais l’objet d’audits réguliers, et la gouvernance s’en trouve ainsi directement améliorée.

La récession a durement frappé la Zambie ces derniers mois, le prix du cuivre, pilier de l’économie, ayant dégringolé avec la baisse de la demande mondiale. Or la diminution des revenus étatiques entraîne une baisse des dépenses publiques.

« Nous procédons actuellement à l’audit annuel. Mais notre budget a été réduit de 17 pour cent par le gouvernement parce qu’il a moins de fonds que l’année dernière. Donc, oui, nous avons amélioré notre méthodologie en matière d’audits, en rédigeant des manuels et en informatisant nos services, ces dernières années ; [mais] à long terme, certains domaines ne sont pas encore pleinement viables si nous ne recevons pas régulièrement des fonds », a indiqué à IRIN Louis Mwanga, directeur adjoint des projets au Bureau du Commissaire général aux comptes.

Recommandations aux gouvernements africains

Si Dead Aid critique les aides bilatérales et multilatérales, quelques solutions alternatives y sont également proposées pour remplacer les politiques actuelles. L’auteur suggère aux décideurs africains d’avoir davantage recours au marché mondial des capitaux pour obtenir des fonds d’investissement : pour elle, l’environnement financier actuel ne devrait pas être dissuasif.

« Dans le climat actuel, je recommande aux gouvernements africains de s’efforcer de s’assurer qu’au moment où le marché rebondira, ce qui arrivera, ils seront prêts à s’introduire sur la place de marché internationale pour émettre des obligations. A mon avis, il y a un gros travail préparatoire à faire pour obtenir des notations sur ces obligations et pour familiariser leurs pays avec les investisseurs internationaux ».

C’est exactement ce qu’a fait le Ghana à la suite des réformes économiques mises en œuvre à partir de 2000. Ces réformes avaient néanmoins pu être adoptées parce que le Ghana traversait une période de stabilité politique, et qu’il bénéficiait du soutien de ses partenaires internationaux.

« Le Ghana a fait preuve de maturité en sollicitant le marché mondial des obligations de cette manière, mais s’il a pu le faire, c’est uniquement grâce aux réformes économiques qui ont été mises en œuvre dans le pays, en grande partie grâce à l’aide. On aurait tort de le nier », a noté Alison Evans, directrice de programmes à l’Overseas Development Institute, un organisme britannique.

« En comparaison, la Zambie n’est pas en mesure d’en faire autant pour l’instant. La Zambie est même un bon exemple des conséquences qu’a la situation financière actuelle sur l’Afrique : la réduction des budgets consacrés à l’aide par les pays donateurs devrait avoir des répercussions négatives, une réduction du montant des transferts de fonds est également en train d’être constatée, et, en plus de cela, la dégringolade du prix des biens a de lourdes conséquences sur l’industrie du cuivre ».

Pour les pays à faible revenu tels que la Zambie, renoncer à l’aide pour se tourner vers les marchés des capitaux en pleine récession mondiale n’est donc peut-être pas le meilleur choix.

04/04/2009

Les atouts des villes dans la lutte contre la pollution


5 avril 2009

De nombreuses métropoles affichent des émissions de CO2 par habitant très inférieures aux moyennes nationales

En matière de changement climatique, les villes ne sont pas le problème, mais la solution. Telle est la conclusion d'une étude publiée dans la livraison d'avril de la revue Environment and Urbanization, à contre-courant de la vision fataliste de métropoles concentrant toutes les tares environnementales : congestion automobile, étalement sans fin, déchets qui s'amoncellent et pollutions variées.

Alors que plus de la moitié de la population mondiale vit désormais en ville, la responsabilité des agglomérations dans le réchauffement global semble écrasante : celles-ci n'occupent que 2 % de la surface de la planète, mais elles concentrent 80 % des émissions de CO2 et consomment 75 % de l'énergie mondiale.

L'équation est trop simple, selon David Dodman, chercheur à l'Institut international pour l'environnement et le développement, à Londres. Car au-delà de l'effet de masse produit par les chiffres globaux, " beaucoup de villes ont des émissions par tête étonnamment faibles ", souligne-t-il dans Environment and Urbanization.

Calculés par habitant, les rejets de gaz à effet de serre de certaines villes sont nettement inférieurs à la moyenne du pays. Les rejets des New-Yorkais représentent moins d'un tiers de la moyenne des Etats-Unis ; chaque Barcelonais émet moitié moins de gaz à effet de serre que l'Espagnol lambda ; tout comme les Londoniens font deux fois mieux que les Britanniques. Au Brésil, même les tentaculaires Sao Paulo et Rio affichent des émissions per capita qui ne dépassent pas un tiers de la moyenne brésilienne.

De quoi encourager les efforts de villes telles que New York, Londres, Chicago ou Amsterdam, qui ont lancé ces derniers mois d'ambitieux plans climat, ou de l'agglomération de Curitiba, au Brésil, devenue, avec ses 4 millions d'habitants, un modèle de développement durable pour les pays émergents.

L'explication est connue, proclamée sur tous les tons par les professionnels de l'urbanisme : une ville compacte, mélangeant logements et activités et desservie par des transports en commun est moins polluante qu'un habitat individuel diffus fondé sur le règne automobile. La corrélation entre une faible densité urbaine et une quantité élevée de rejets de CO2 par habitant a été démontrée. L'éclairage et le chauffage des bâtiments génèrent un quart des émissions de gaz à effet de serre dans le monde et, selon les estimations de la Banque mondiale, les transports comptent pour un tiers des rejets dans les agglomérations.

" Les villes offrent une vraie chance de réduire le changement climatique, estime la directrice exécutive de l'ONU-Habitat, Anna Tibaijuka, dans le rapport sur "L'Etat des villes du monde 2008-2009". Des villes bien conçues procurent à la fois des économies d'échelle et la densité de population pour réduire la demande de ressources par habitant. Nos données montrent que les politiques qui promeuvent des transports publics efficaces, qui réduisent l'étalement urbain et qui encouragent l'utilisation d'énergies renouvelables peuvent réduire de manière significative l'empreinte écologique d'une ville et les émissions de CO2. "

Pour M. Dodman, désigner les villes comme coupables du changement climatique détourne l'attention du principal facteur d'émission de gaz à effet de serre : " Les vrais responsables ne sont pas les villes elles-mêmes, mais le mode de vie des habitants des pays riches, basé sur la surconsommation. "

Pourtant, observe le chercheur, le développement économique n'entraîne pas nécessairement d'accroissement de la pollution. Ainsi la ville de Tokyo émet-elle une quantité de gaz à effet de serre par tête équivalant à 45 % de la moyenne japonaise, très inférieure aux rejets par habitant de Pékin ou de Shanghaï, deux fois plus élevés que la moyenne chinoise.

Reste qu'au-delà des exemples vertueux, de nombreuses villes sont très loin des canons de l'urbanisme durable, dans les pays en voie de développement comme dans les Etats les plus riches. " Il y a toujours besoin de réduire drastiquement les émissions si l'on veut atteindre les objectifs de lutte contre le changement climatique ", avertit David Dodman.

Les transports sont responsables de 60 % des rejets de CO2 à Sao Paulo, métropole de la congestion automobile, contre 20 % à Londres ou New York, bien desservis par le métro. Et, aux Etats-Unis, pays de l'étalement pavillonnaire, la ville dense reste un défi, alors que la superficie totale des cent plus grandes agglomérations du pays s'est accrue de 82 % entre 1970 et 1990...

Les organisations internationales ont pris conscience que la bataille du climat se jouera dans les villes. Après la mobilisation récente de l'OCDE et de la Commission européenne, la Banque mondiale organise, fin juin, à Marseille, un symposium sur le thème " Ville et changement climatique ".

En retour, les municipalités revendiquent auprès de l'ONU une place à la table des négociations sur le climat. Leur credo, résumé par l'association Cités et gouvernements locaux unis : " Les solutions apportées au changement climatique mondial ne peuvent être viables si les gouvernements locaux ne sont pas intégrés à part entière dans le processus de prise de décisions. "

Grégoire Allix

© Le Monde

L'acheteur parisien ou l'ouvrier pékinois ?
Les consommateurs parisiens doivent-ils se voir imputer une partie des rejets de CO2 des ouvriers de Shanghaï ? En Europe, mais aussi à Tokyo et à Rio, la réduction des émissions de gaz à effet de serre est largement due à la délocalisation de l'industrie, notamment vers la Chine, où 20 % à 30 % des émissions proviennent de productions destinées à l'exportation. Les usines sont ainsi responsables de 80 % des rejets à Shanghaï et de 65 % des émissions à Pékin, contre seulement 7 % à Londres et 10 % à New York ou à Tokyo, rappelle David Dodman dans la revue Environment and Urbanization. Le chercheur préconise ainsi une mesure des émissions basée non sur la production, mais sur la consommation, via l'empreinte écologique individuelle, qui attribue au consommateur l'impact écologique de ce qu'il achète. Une analyse qui rejoint la demande, formulée, le 16 mars, par la Chine, que ses émissions de gaz à effet de serre liées à ses exportations soient exclues des négociations sur le climat.

Le G20 pose les nouvelles règles du capitalisme mondial


4 avril 2009
publie le plan historique décidé à Londres pour réguler la finance et relancer l'économie.
La méthode Obama à l'épreuve au sommet de l'OTAN et dans le débat sur le réchauffement climatique.
Alors qu'Américains et Européens se retrouvaient vendredi 3 et samedi 4 avril pour une réunion de l'OTAN, les uns et les autres saluaient le résultat du sommet économique du G20 qui s'est tenu jeudi à Londres.
Avec les représentants des grandes économies du Sud - Brésil, Chine, Inde, notamment -, ceux du Nord ont esquissé, dans le pays qui prônait la dérégulation financière depuis les années 1980, les nouvelles règles du capitalisme mondial. Il s'agissait de mener une action coordonnée pour sortir d'une crise économique et financière qui se traduit par la première récession mondiale depuis 1945.
Un compromis s'est dégagé entre deux camps : d'un côté, ceux qui, à l'image de l'Allemagne et de la France, insistaient sur l'impérieuse nécessité de réglementer davantage les marchés financiers ; de l'autre, ceux qui, à l'instar des Etats-Unis notamment, exhortaient à des efforts de relance supplémentaires. Il y a un peu des deux dans le communiqué final. Le Fonds monétaire international (FMI) voit ses ressources triplées (portées à 750 milliards de dollars) et est investi d'une mission de contrôle des politiques macro-économiques de ses membres ; les grands acteurs de la finance, dont les principaux fonds spéculatifs, seront placés sous surveillance ; les paradis fiscaux, nommément désignés, sont passibles de sanctions... Beaucoup dépendra de la bonne volonté des uns et des autres dans la mise en oeuvre de ces mesures, mais les participants au sommet se sont quittés sur un festival de déclarations de grande satisfaction.

" Un plan global à une échelle inédite... "

Voici les principaux points de la déclaration finale adoptée, jeudi 2 avril, à Londres par les participants au sommet.

(...)

2. Nous sommes confrontés au plus grand défi lancé à l'économie mondiale des temps modernes. (...) Une crise mondiale exige une solution globale.

3. Nous partons du principe que la prospérité est indivisible ; que la croissance, pour être durable, doit être partagée. (...)

5. L'accord auquel nous sommes parvenus aujourd'hui, afin de tripler les fonds disponibles du FMI à 750 milliards de dollars, financer une nouvelle allocation de DTS (Droits de Tirages spéciaux) de 250 milliards de dollars, financer au moins 100 milliards de dollars de prêts supplémentaires par les Banques multilatérales de développement, garantir un crédit de 250 milliards de dollars destiné à relancer le financement du commerce international, et utiliser les ressources additionnelles provenant de la vente d'or du FMI déjà approuvée pour des prêts à condition privilégiée aux pays les plus pauvres, - tout cela - constitue un programme supplémentaire de 1 100 milliards de dollars (....). Ajouté aux mesures que nous avons prises séparément sur le plan national, cela constitue un plan global pour un redressement à une échelle inédite à ce jour.

RELANCER LA CROISSANCE ET L'EMPLOI

6. Nous inaugurons une expansion budgétaire concertée sans précédent, destinée à sauver ou créer des millions d'emplois, qui sans cela auraient été détruits. D'ici à la fin de l'année prochaine, elle s'élèvera à 5 000 milliards de dollars, augmentera la production de 4 %, et accélérera la transition vers une économie " verte ". Nous nous engageons à aller aussi loin qu'il le faudra dans l'effort budgétaire pour restaurer la croissance. (...)

8. Nos actions pour restaurer la croissance ne peuvent être efficaces tant que nous n'aurons pas rétabli les crédits domestiques et les flux internationaux de capitaux. Nous avons apporté un large soutien à nos systèmes bancaires afin de garantir les liquidités, recapitaliser les institutions financières et régler définitivement le problème des actifs dépréciés. Nous nous engageons à prendre les mesures nécessaires afin de restaurer le flux de crédit dans le système financier et assurer la solidité des institutions fondamentales pour le système, en travaillant dans le cadre établi par le G20 pour relancer les prêts et réparer le secteur financier.(...)

11. Nous sommes résolus à assurer une viabilité des finances publiques, une stabilité des prix, et nous mettrons en place des stratégies de sortie crédibles des mesures à adopter sans délai pour soutenir le secteur financier et relancer la demande mondiale. Nous sommes convaincus qu'en appliquant les mesures que nous avons décidées nous limiterons des coûts à plus long terme sur nos économies (...).

12. Nous conduirons toutes nos politiques économiques de façon conjointe et responsable, en tenant compte de leur impact sur les autres pays, nous nous abstiendrons de dévaluations de monnaie compétitives, et favoriserons un système monétaire international stable et bien rodé. Nous défendrons, aujourd'hui et demain, une surveillance sincère, équilibrée et indépendante par le FMI de nos secteurs économiques et financiers, de l'impact de nos politiques sur les autres, et des risques encourus par l'économie mondiale.

Renforcer la supervision

13. Les principaux échecs de la régulation et des contrôles du secteur financier ont joué un rôle essentiel dans la crise. La confiance ne sera pas restaurée tant que nous n'aurons pas assaini notre système financier. Nous prendrons des mesures pour établir un cadre de surveillance et de régulation plus cohérent pour le futur secteur financier, qui soutiendra une croissance globale durable et servira les exigences des affaires et des citoyens.

14. Chacun d'entre nous est d'accord pour s'assurer de la solidité de nos systèmes de régulation intérieurs. Mais nous voulons aussi une plus grande cohérence, une coopération constante entre les pays, et bénéficier des critères élevés et internationalement reconnus qu'exige un système financier mondial. Des régulations et une vigilance renforcées doivent promouvoir la propriété, l'intégrité et la transparence ; nous garder des risques inhérents au système financier ; freiner plutôt qu'amplifier les cycles financiers et économiques ; réduire le recours à des sources de financement trop incertaines ; et décourager les prises de risques inconsidérées. Les régulateurs et les superviseurs doivent protéger les consommateurs et les investisseurs, encourager la discipline de marché, éviter les chocs préjudiciables aux autres pays, réduire les arbitrages régulatoires, favoriser la compétition et le dynamisme, et suivre le rythme des innovations du marché.

15. Dans ce but, nous mettons en place le Plan d'action dont nous avions convenu lors de notre dernière rencontre, et tel qu'il est exposé dans le rapport intérimaire suivant. Aujourd'hui, nous avons également divulgué une Déclaration : " Renforcer le système financier ". Nous nous sommes accordés sur les points suivants :

- établir un nouveau Conseil de stabilité financière (Financial Stability Board, FSB) avec un mandat renforcé, qui succédera au Forum de stabilité financière (FSF) et qui comprendra les pays du G20, des membres du FSF, l'Espagne et la Commission européenne ;

- le FSB devra collaborer avec le FMI pour signaler les risques macroéconomiques et financiers et indiquer les actions pouvant les contrer ;

- réformer nos systèmes de réglementation afin que nos autorités puissent identifier et prendre en compte les risques macro-prudentiels ;

- étendre la réglementation et la surveillance à tous les instruments, les marchés et les institutions financières d'importance systémique. Cela comprend, pour la première fois, les fonds spéculatifs d'importance systémique ;

- Approuver et appliquer les nouveaux principes rigoureux de paiement et de compensation du FSF et appuyer des dispositifs de compensation viables et la responsabilité sociale de toutes les entreprises ;

- Une fois que le redressement sera assuré, améliorer la qualité, la quantité et la cohérence internationale du capital dans le système bancaire. A l'avenir, la réglementation doit prévenir les endettements excessifs et exiger que des fonds de réserve soient constitués en temps utile ;

- Prendre des mesures contre les pays non coopératifs, dont les paradis fiscaux font partie. Nous sommes prêts à mettre en place des sanctions pour protéger nos finances publiques et nos systèmes financiers. L'époque du secret bancaire est terminée. (...)

- Appeler les normalisateurs comptables à travailler de toute urgence avec des superviseurs et des régulateurs pour améliorer les normes de valorisation et de provisions et parvenir à un seul ensemble de normes comptables mondiales de haute qualité ;

- Etendre la surveillance de la régulation et l'enregistrement aux agences d'évaluation du crédit, afin de s'assurer qu'elles correspondent au code international de bonne pratique, afin de prévenir en particulier les conflits d'intérêt inacceptables.

16. Nos ministres des finances sont chargés de compléter l'application de ces décisions en accord avec l'agenda proposé dans le Plan d'action. Nous avons demandé au FSB et au FMI de superviser les progrès de cette entreprise, en accord avec le GAFI (groupe d'action financière sur le blanchiment des capitaux) et d'autres organismes concernés, et de rédiger un rapport pour la prochaine réunion de nos ministres des finances (...) en novembre.

Renforcer nos organismes financiers mondiaux

17. Les marchés émergents et les pays en voie de développement, qui ont été le moteur des la récente croissance mondiale, sont eux aussi confrontés à des défis qui s'ajoutent au fléchissement actuel de l'économie globale. Il est impératif pour la confiance mondiale et le rétablissement économique que les capitaux continuent de les irriguer. Cela demandera un renforcement conséquent des institutions financières internationales, et particulièrement du FMI. Nous sommes donc aujourd'hui tombés d'accord pour débloquer 850 milliards supplémentaires par le biais des institutions financières mondiales, afin de soutenir la croissance dans les marchés émergents et les pays en voie de développement en aidant à financer les dépenses contracycliques, la recapitalisation des banques, les infrastructures, le financement du commerce international, le soutien de la balance des paiements, le renouvellement de la dette, et l'aide sociale. Dans ce but :

- Nous sommes tombés d'accord pour accroître les ressources disponibles pour le FMI grâce à un financement immédiat des membres de 250 milliards de dollars, (...) augmenté jusqu'à 500 milliards, et d'envisager des emprunts sur le marché si nécessaire, et :

- Nous soutenons une augmentation substantielle des prêts d'au moins 100 milliards de dollars par les Banques multilatérales de développement (BMD), y compris pour les pays à faibles revenus, et assurons que toutes les BMD - auront - les capitaux nécessaires.

18. Il est essentiel que ces ressources soient utilisées avec efficacité et de façon suffisamment souple pour soutenir la croissance. A ce propos, nous saluons les progrès accomplis par le FMI avec sa nouvelle Ligne flexible de crédit (FLC) et la modification de ses conditions de prêt, qui lui permettront de s'assurer que ses ressources traiteront plus efficacement les causes sous-jacentes des besoins de financement de la balance des paiements, et surtout le retrait des flux de capitaux extérieurs des secteurs bancaires et industriels. (...)

19. Nous avons convenu de soutenir une allocation générale de Droits de tirages spéciaux qui injectera 250 milliards de dollars dans l'économie mondiale et augmentera les liquidités globales. (...)

20. Afin que nos institutions financières aident à gérer la crise et préviennent de nouvelles crises, nous devons renforcer leur pertinence à plus long terme, leur efficacité et leur légitimité. Donc en plus de l'augmentation notable des ressources auxquelles nous avons consenti aujourd'hui, nous sommes déterminés à réformer et moderniser les institutions financières internationales afin de s'assurer qu'elles peuvent aider les membres et les actionnaires dans les nouveaux défis qu'ils affrontent. Nous réformerons leurs missions, leurs charges et leur gouvernance, tenant compte des changements dans l'économie mondiale et des nouveaux défis de la globalisation, et aussi du fait que les économies émergentes et en développement, ce qui inclut les plus pauvres, doivent être mieux représentées et se faire entendre davantage. Cela doit être accompagné par des actions visant à accroître la crédibilité et la fiabilité des institutions grâce à une meilleure surveillance stratégique et de meilleures prises de décision. Dans ce but :

- Nous nous engageons à mettre en oeuvre les réformes sur les voix et les quotas au FMI convenues en avril 2008, et nous appelons le FMI à compléter la nouvelle révision des quotas d'ici à janvier 2011 ;

- De plus, nous estimons qu'il faudrait envisager une plus grande implication des gouverneurs du Fonds dans l'orientation des prises de décision stratégiques du FMI et dans l'amélioration de sa fiabilité ;

- Nous nous engageons à appliquer les réformes de la Banque mondiale convenues en octobre 2008. Nous attendons des recommandations supplémentaires, aux prochaines réunions, sur des réformes concernant les voix et les représentations sur un agenda accéléré, et qui seront approuvées d'ici aux réunions du printemps 2010 ;

- Nous estimons que les dirigeants des organismes financiers internationaux devraient être nommés par un processus de sélection ouvert, transparent et basé sur le mérite.

En s'appuyant sur les études actuelles du FMI et de la Banque mondiale, nous avons demandé au président, travaillant avec les ministres des finances du G20, (...) de présenter un compte rendu lors de la prochaine réunion, avec des propositions pour de nouvelles réformes afin d'améliorer la réactivité et l'adaptabilité des Institutions financières internationales (IFI).

21. En plus de réformer nos institutions financières internationales (...), nous avons approuvé le besoin d'un nouveau consensus mondial sur les valeurs et les principes-clés qui encourageront une activité économique durable. Nous appuyons les discussions sur une charte pour une activité économique durable que nous avons inscrite au programme de notre prochaine réunion. Nous prenons note du travail ébauché dans d'autres forums sur ce sujet, et avons hâte de poursuivre l'élaboration de cette charte (...).

REJETER LE PROTECTIONNISME

22. La croissance du commerce mondial a entraîné une prospérité croissante pendant un demi-siècle. Aujourd'hui, pour la première fois en 25 ans, on assiste à son déclin. La chute de la demande est exacerbée par des pressions protectionnistes de plus en plus nombreuses et par un repli du crédit commercial. La relance du commerce mondial et des investissements est essentielle pour restaurer la croissance globale. Nous ne réitérerons pas les erreurs historiques du protectionnisme des époques précédentes. A cette fin :

- nous réaffirmons l'engagement pris à Washington de nous abstenir de dresser de nouvelles barrières à l'investissement ou à l'échange de biens et des services, d'imposer de nouvelles restrictions à l'exportation, de mettre en oeuvre des mesures incohérentes au niveau de l'Organisation mondiale du commerce (OMC) pour stimuler les exportations. Nous procéderons en outre à la correction de toutes ces mesures ;

- nous limiterons tous les effets négatifs de nos actions politiques intérieures sur le commerce et l'investissement, y compris la politique fiscale et l'action en faveur du secteur financier. Nous ne nous replierons pas dans un protectionnisme financier, notamment par l'adoption de mesures qui entraveraient les mouvements de capitaux dans le monde, en particulier en direction des pays en développement ;

- nous communiquerons aussitôt ces mesures à l'OMC et inviterons celle-ci, en même temps que d'autres organismes internationaux, dans les limites de leurs mandats respectifs, à exercer un contrôle et à rendre compte publiquement sur une base trimestrielle du respect de nos engagements ;

- nous prendrons dans le même temps toutes les dispositions possibles pour stimuler le commerce et l'investissement ;

- nous assurerons la disponibilité d'au moins 250 milliards de dollars au cours des deux prochaines années pour soutenir le financement des échanges par nos agences d'investissement et de crédit à l'exportation et par les Banques multilatérales de développement. Nous demandons également à nos organismes de contrôle d'utiliser la flexibilité existante des règles concernant les fonds pour le financement du commerce mondial.

23. Nous maintenons notre engagement pour parvenir à une conclusion ambitieuse et équilibrée concernant le cycle de Doha pour le développement, qui est d'une absolue nécessité. Cela pourrait stimuler l'économie globale d'au moins 150 milliards de dollars par an. Pour parvenir à cela, nous nous engageons à nous appuyer sur les progrès déjà réalisés, y compris en ce qui concerne les modalités.

24. Nous accorderons une attention renouvelée sur le plan politique à cette question critique dans la période à venir et userons d'un effort constant et de toutes les rencontres internationales nécessaires au succès de cette entreprise.

GARANTIR UNE REPRISE JUSTE ET DURABLE

25. Nous sommes déterminés non seulement à restaurer la croissance, mais également à établir les bases d'une économie mondiale juste et durable. Nous mesurons les effets disproportionnés de la crise actuelle sur les populations vulnérables des pays les plus pauvres et reconnaissons avoir une responsabilité collective pour atténuer les répercussions sociales de la crise afin de réduire autant que possible les effets dommageables sur le potentiel global. A cette fin :

- nous réaffirmons notre engagement historique à atteindre les Objectifs du Millénaire pour le développement et à tenir les promesses de nos organes respectifs d'Aide publique au développement (APD), y compris les engagements sur l'Aide pour le commerce, l'allégement de la dette, et les engagements de Gleneagles, notamment en faveur de l'Afrique

- les mesures et les décisions que nous avons prises aujourd'hui fourniront 50 milliards de dollars pour soutenir la protection sociale, relancer le commerce et sauvegarder le développement dans les pays à faible revenu, cette somme faisant partie de l'augmentation significative de l'aide apportée à ces Etats, aux autres pays en développement et aux marchés émergents ;

- nous constituons des ressources disponibles pour la protection sociale des pays les plus pauvres, notamment en investissant dans la sécurité alimentaire à long terme et par des contributions volontaires bilatérales au fonds de vulnérabilité de la Banque mondiale, y compris la facilité de liquidités d'urgence et le Fonds pour une réponse sociale rapide ;

- nous nous sommes engagés (...) à ce que soient utilisées les ressources supplémentaires provenant des ventes d'or concertées du FMI (...), pour fournir aux pays les plus pauvres dans les deux ou trois années à venir 6 milliards de dollars supplémentaires en fonds facilement accessibles. (...)

- nous avons convenu de revoir la flexibilité du Fonds pour une dette soutenable et de demander au FMI et à la Banque mondiale de faire un rapport au Comité du FMI, au Comité de développement et aux Assemblées annuelles ;

- nous invitons les Nations unies, en coopération avec les autres institutions mondiales, à établir un mécanisme efficace de contrôle des effets de la crise sur les plus pauvres et les plus vulnérables.

26. Nous reconnaissons la dimension humaine de la crise. Nous nous engageons à soutenir ceux qui sont touchés en créant des emplois et en adoptant des mesures pour soutenir les revenus. Nous allons construire un marché du travail adapté aux besoins des familles, et équitable pour les femmes comme pour les hommes. Par conséquent, nous recevons avec satisfaction les rapports de la Conférence sur l'emploi de Londres et du Sommet social de Rome et les principes essentiels qu'ils ont proposés. Nous soutiendrons l'emploi en stimulant la croissance, en investissant dans l'éducation et la formation, et par des politiques actives sur le marché du travail, en se concentrant sur les plus vulnérables. Nous invitons l'Organisation internationale du travail, en collaboration avec d'autres organismes compétents en la matière, à évaluer les mesures déjà prises et celles qui seront nécessaires par la suite.

27. Nous avons convenu de faire le meilleur usage possible de l'investissement financé par des programmes d'incitation fiscale afin de susciter une relance dynamique, durable et soucieuse de l'environnement.

Nous assurerons la transition vers des technologies et des infrastructures propres, innovantes, économes en énergie et peu productrices de CO2. Nous encourageons les banques multilatérales de développement à se mobiliser pour parvenir à cet objectif. Nous définirons et élaborerons ensemble d'autres mesures pour bâtir des économies soutenables.

28. Nous réaffirmons notre engagement à faire face à la menace d'un changement climatique irréversible, sur la base des principes de responsabilités communes mais différenciées, et à trouver un accord à la conférence des Nations unies sur le climat qui se tiendra à Copenhague en décembre 2009. (...)

Traduit par Hélène Prouteau et Isabelle Chérel


Le Fonds monétaire international placé au centre de la régulation mondiale


4 avril 2009

Le triplement de ses ressources et l'élargissement de ses missions confortent le FMI

Dominique Strauss-Kahn, directeur général du Fonds monétaire international (FMI), et son équipe ont gagné. En panne de moyens financiers, de missions et de légitimité il y a seulement deux ans, le Fonds se trouve propulsé par le G20 au poste de superviseur de l'économie et de la finance mondiales. C'est à bon droit que son directeur général a pu, le 2 avril, se féliciter du renforcement du rôle de surveillance du FMI et de la nouvelle " puissance de feu " financière consentis à son institution.

Car les 20 pays les plus puissants du monde ont reconnu la prééminence du Fonds dans la lutte contre la crise en le dotant de nouveaux moyens d'intervention. Le triplement de ses réserves, qui passeront de 250 milliards de dollars à 750 milliards (560 milliards d'euros), lui permettra de faire face même aux effondrements monétaires et financiers de pays de taille moyenne. A ce jour, ses débiteurs se recrutent essentiellement parmi des économies peu développées comme le Malawi ou de petite taille comme l'Islande.

La formule choisie devrait être souple et les pays qui apporteront les 500 milliards de dollars supplémentaires le feront sous la forme de lignes de crédit géantes sur lesquelles le Fonds tirera les sommes nécessaires, comme cela a déjà été décidé, en janvier, pour les 100 milliards de dollars apportés par le Japon.

Autre forme de soutien aux pays étranglés par la crise, le FMI pourra allouer 250 milliards de dollars de droits de tirage spéciaux (DTS) à ces 185 membres qui auront la faculté de se les prêter entre eux s'ils n'en ont pas l'usage.

L'annonce par Gordon Brown de l'autorisation donnée au FMI de vendre 403,3 tonnes d'or n'est pas une nouveauté, puisque cette vente était décidée depuis un an pour en finir avec le déficit récurrent du FMI. Seule la mauvaise volonté américaine bloquait l'opération. La meilleure santé financière du Fonds semble avoir permis d'affecter environ la moitié du produit de cette future vente, soit 6 milliards de dollars, à de nouveaux prêts à des taux très préférentiels réservés aux pays les plus pauvres et dont la balance des paiements et la monnaie seraient en danger.

Après l'argent, les missions. Le FMI a été investi d'un rôle de vigie pour détecter à temps les périls et de supervision renforcée des nouvelles régulations financières. Il conduira cette surveillance de façon " loyale et franche ", ce qui signifie qu'il est prié de sermonner même les Etats-Unis si ceux-ci mettaient en péril la planète. Et plus seulement les petits pays. Il partagera cette mission avec le Conseil de stabilité financière (ex-Forum de stabilité financière). Une première simulation de crise sera conduite par le FMI de concert avec ce CSF nouveau d'ici à la fin avril.

Restait le déficit de légitimité du Fonds que critiquaient les pays émergents qui se jugeaient mal représentés dans ses instances. Les réformes des droits de vote décidées en 2008 prévoyaient d'en transférer d'ici à 2014 environ 10 % vers les pays émergents et de tripler les droits de base des pays les plus pauvres. Le principe d'un achèvement de ces améliorations dès 2011 a été arrêté.

Surtout, le G20 a franchi un pas politique significatif que réclamaient à cor et à cri les pays dits " du Sud " mais aussi les organisations non gouvernementales, en mettant fin au traditionnel partage du pouvoir entre les Etats-Unis et l'Europe au sein des institutions de Bretton-Woods. Le directeur général du FMI ne sera plus obligatoirement un Européen ni le président de la Banque mondiale, un Américain. Tous deux seront choisis selon un processus de sélection " ouvert, transparent et basé sur le mérite " et donc dans n'importe quel pays du monde.

Ces deux derniers bastions occidentaux bientôt tombés, rien ne s'oppose plus à ce que les pays en développement reconnaissent la pertinence des conseils, voire des mises en garde d'un FMI plus démocratique et plus soucieux des particularités. Qu'ils acceptent de les appliquer est une autre histoire, puisque le Fonds ne dispose d'aucun pouvoir coercitif autre que l'attribution de ses prêts.

Alain Faujas

© Le Monde

3 217 tonnes d'or et 250 milliards de dollars pour 185 Etats

Création : Le Fonds monétaire international (FMI) est né en juillet 1944 des accords signés entre 45 pays à Bretton Woods (New Hampshire, Etats-Unis), soucieux d'éviter la répétition de la Grande Dépression de 1929.

Vocation : Le FMI s'est vu confier le soin de préserver la stabilité économique du monde par la surveillance, l'assistance technique et les opérations de prêt.

Moyens : Installés à Washington, il compte 185 Etats membres. Il emploie 2 400 salariés et a un budget de 835 millions de dollars, avec un stock d'or de 3 217 tonnes. Il avait jusqu'alors une enveloppe de 250 milliards de dollars pour les pays en péril.

Equilibre politique : Les Européens pèsent pour un tiers des droits de vote, les Américains 16 % et les Chinois moins de 4 %.